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Une vie consacrée à l'étude et à la défense de la nature: Celle de François Hüe Par Gilbert Massol |
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Un naturaliste tel que François Hüe n'était vraiment lui-même que dans le silence de son cabinet de travail ou dans les réalités de terrain. C'est ainsi que j'ai eu le privilège de l’approcher, puis de le fréquenter pour apprécier chaque jour davantage les différents aspects de sa forte personnalité. Je me rendais très fréquemment à la Grange des Prés, soit qu'il se fût agi d'entrevues « de routine », soit que nous eussions à traiter, avec mon hôte, d'un problème particulier, brusquement surgi. Nos conversations avaient généralement lieu entre dix-sept et vingt heures, à un moment de la journée où, lui comme moi, disposions de tout le temps voulu pour «bavarder» tranquillement. Je le retrouvais dans son cabinet de travail, véritable cellule monacale où tout était voué à l’étude, où les murs étaient cachés par des rayons de bibliothèque garnis d'innombrables ouvrages français et étrangers traitant d'ornithologie, sa spécialité, sa passion, et où quelquefois madame Hüe venait nous offrir un rafraîchissement. Là, nous nous entretenions des problèmes qui nous préoccupaient, dans une atmosphère de simplicité confiante. François Hüe aimait à être informé dans le détail et prenait beaucoup de notes. Il voulait avoir une vision claire des sujets que nous traitions, par honnêteté intellectuelle, certes, mais aussi dans la perspective d'un prolongement efficace dans les faits. Lorsqu'il le jugeait utile, il n'hésitait pas à me proposer de nous rendre sur le terrain. Quelquefois, c'est moi qui souhaitais le conduire en un lieu déterminé. En dépit d'un emploi du temps excessivement chargé (il voyageait énormément), il répondait toujours favorablement à ces requêtes. Il était ainsi extrêmement agréable de travailler avec lui, dans le seul souci de défendre une cause qui nous était chère, sans qu'aucune arrière pensée n'altérât notre enthousiasme. L’auteur des « Oiseaux du nord de l’Afrique » était un des rares esprits libres que j’ai pu côtoyer. Sa formation, sa condition sociale en avaient fait un homme très indépendant, qui savait pourtant mettre cette précieuse disponibilité au service d'un idéal qui était devenu sa raison d'être malgré les épuisantes obligations (librement acceptées) auxquelles il était astreint. Un homme politique qui l'a bien connu a dit de lui : « Parmi ceux qui occupent une situation sociale élevée dans la région, c'est lui, et de loin, qui s'occupait le plus de ses compatriotes ». Combien cela est vrai ! Car François Hüe, avec la générosité de cœur que nous lui connaissions, animait différentes sociétés philanthropiques, collaborait à plusieurs sociétés savantes et notamment, à la Société d'Horticulture et d'Histoire Naturelle de l'Hérault, et à l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. Sur ma demande, en 1967, il avait accepté d'assumer la présidence de la S.P.N.L.R. Grâce à cela, il nous a été possible de réaliser le regroupement des naturalistes et protecteurs de la nature du Languedoc-Roussillon et de faire rapidement de cette Société l'une des plus actives de France et des plus écoutées. L'une des raisons évidentes de son acceptation à prendre en mains le sort de la S.P.N.L.R., alors que depuis 1966 il avait la lourde tâche de diriger la S.N.P.N., est que la première mesure du programme qui avait été fixé, portait sur la défense de nos étangs littoraux. L'ornithologiste qu'il était, avait vite pressenti les dangers qui menaçaient ces incomparables milieux, tellement favorables à la faune avienne, et, c'est de front, que, grâce à lui, la S.P.N.L.R. attaqua le problème. Peu de temps après, nous siégions ensemble à la Commission de la Protection de la Nature instituée dans le cadre de la Mission pour l'Aménagement du littoral. Commission au sein de laquelle ses grandes compétences et sa saine vision des choses eurent tôt fait d'éclairer le problème de la protection de la nature sur le littoral d'un jour nouveau. L'Entente interdépartementale pour la Démoustication du littoral sollicita sa collaboration, et dès 1969, il participa aux travaux du Comité scientifique de cet Organisme. Il s'intéressait à l'avenir du Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc et m'interrogeait souvent à ce sujet (c'était un grand admirateur du Caroux dont il avait étudié l'avifaune) : Le Parc National des Cévennes retenait son attention, mais il regrettait que l'on ne s'y souciât pas davantage de protection de la nature. Il s'associait à nos préoccupations quant à la sauvegarde des Gorges du Gardon et de la Réserve de la Massane. Comme on le devine, la Camargue attirait beaucoup notre Président, et il s'y rendait fréquemment, la préférant aux deltas du Guadalquivir et du Danube qu'il connaissait aussi, bien entendu. C'est une des raisons pour lesquelles il accepta, en 1970, la présidence du Conseil d'Administration de la Fondation du Parc Naturel Régional de Camargue. En tant que responsable de la S.N.P.N. (créatrice de la réserve zoologique et botanique de Camargue) il était, d'autre part, tout à fait qualifié pour occuper ce poste... certes pas de tout repos ! La présence, à la Tour du Valat, de son excellent ami Luc Hoffmann, envoûté comme lui, par la merveilleuse beauté de la gent ailée qu'abrite la réserve du Vaccarès, influença aussi, sans nul doute, sa décision. C'est dans ce contexte passionnant pour l’amoureux de la nature qu'évoluait François Hüe. Il mesurait parfaitement, avec ce réalisme lyrique propre aux hommes du Midi, la qualité de son destin, de ce destin qui l’avait conduit sur tous les continents pour quêter l’oiseau rare, et, qui sait ! peut-être aussi le fabuleux Oiseau Bleu… Article publié dans le Bulletin de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault. 1972, vol III.
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