Remonter

Une vie par G Massol ] F. Hüe par Huguette Long ] F. Hüe par C. Jouanin ] Editorial F Hüe ] Réflexions ] Aperçu sur les oiseaux ] Plaidoyer pour les rapaces ] [ Le Caroux continue ] Camargue protégée ]

 

 

Le Caroux continue...

François HUE

Président de la Société Nationale de Protection de la Nature

 

L’association du parc du Caroux a pris, après beaucoup d’années de luttes et d’espoirs, la décision de se dissoudre. C’était évidemment pour elle un acte grave, mais nullement de renoncement. Il est bon d’expliquer le sens et la portée de ce geste, non seulement au grand public, mais aussi à tous ceux qui ont soutenu cette association et qui n’ont pas assisté à son assemblée générale.

En mars 1958, se fondait donc à Lamalou, une association pour défendre cette magnifique région qu’attirait des sportifs, des chercheurs, des protecteurs et plus simplement des amoureux de la nature. Ceux-ci tenaient à la conserver à l’abri des atteintes humaines les plus violentes. C’était légitime et cet objectif maintenait un certain équilibre. La faiblesse démographique de cet ensemble permettait des études interdites ailleurs où l’impact touristique s’accompagnait inévitablement d’un certain tumulte. Le Caroux s’érigeait en sanctuaire et restait un témoignage

Il ne faut pas que cette situation se dégrade. Je crois que tout le monde est d’accord là dessus, mais encore faut-il avoir les moyens, non pas de 1e défendre (il se défendra bien tout seul !) mais d’en persuader ceux, qui décident.

La décision de l’assemblée générale de se dissoudre ne se justifie, paradoxalement, que dans un but d’efficacité. Certains dirigeants de cette association ont vu dans la création future du parc régional du « Haut-Languedoc », qui englobe entièrement celui du Caroux, une menace. Ils n’avaient pas à prendre parti pour ou contre le parc du Haut Languedoc, qui se présente surtout comme un essai de rénovation rurale, mais ils pouvaient se demander, au milieu de cet énorme ensemble de 160.000 hectares et de 95 communes, ce qu’allait devenir cette zone de nature sauvage que le Conseil supérieur de la chasse avait choisie pour sauver les derniers mouflons de Corse qui disparaissaient dans leur île natale. Toute une série d’études et de travaux entrepris par l’école botanique si brillante de Montpellier, par une petite équipe de mammalogistes éminents du Muséum de Paris et par les géologues de la Faculté d’Orsay doit être continuée et approfondie. Il faut que les instances futures du parc du Haut Languedoc comprennent cette vocation et l’encourage.

L’assemblée générale du parc du Caroux a donc délégué ses pouvoirs à la société régionale de protection de la nature du Languedoc-Roussillon. Elle l’a fait pour se sentir moins isolée, pour s’intégrer dans un ensemble lui-même rattaché à une structuration nationale et même internationale. Elle l’a fait pour souligner son désir de protection et lutter contre les atteintes de ceux qui, par tempérament, sont moins sensibles que d’autres aux beautés fragiles de la nature, ou qui, par leur formation, y sont moins préparés.

Le parc du haut Languedoc est sorti du Caroux. D’une protection toute simple est née une idée d’aménagements ruraux pas encore bien définis d’ailleurs, mais dont les options ne devraient faire fi ni des pionniers qui ont créé le Caroux, ni du cadre lui-même.

C’est cet héritage que nous allons nous efforcer de défendre à notre tour, non pas en contestataires systématiques mais dans un désintéressement total et serein comme la nature elle-même. Ce n’est pas sans nostalgie que nous avons vu se dissoudre une équipe d’hommes dévoués et tenaces auxquels un hommage particulier doit être rendu. Ils n’ont fait, en réalité, que passer un relais, mais ils n’auront eu raison de le faire que si le Caroux continue et progresse tout en restant une zone de quiétude où le visiteur pourra admirer et comparer.

Publié dans Midi Libre du 5 octobre 1969