Quelques
éléments historiques:
La
technique de transformation de l’énergie éolienne en force de travail
a été développée en Bas-Languedoc durant le XIIIème siècle.
Auparavant d’autres sources d’énergie avaient successivement été
utilisées dans l’entreprise de moulure des grains. Au broyage manuel
pratiqué depuis le néolithique a succédé le broyage par meules mues
par traction animale puis, durant l’antiquité, par la transformation de
l’énergie hydraulique.
Dès
le IXème siècle, la technique de la meunerie hydraulique héritée des
savoir-faire de l’antiquité se développe sur tous les cours d’eau de
la région. Le milieu du XIIème voit l’apogée de cette technologie qui
restera largement majoritaire jusqu’au début du XXème siècle. Parallèlement
à la meunerie hydraulique les premiers moulins à vent apparaissent
timidement dans nos archives durant le premier tiers du XIIIème siècle.
C’est dans les zones de garrigue ainsi que sur les plateaux balayés par
les vents régionaux que se développent ces moulins. Toutefois la
meunerie éolienne restera minoritaire. Au maximum de son expansion,
courant XVIIIème siècle le territoire correspondant au département de
l’Hérault comprend quelques 61 moulins à vent contre 349 à eau. Le
problème majeur qui pénalise la meunerie éolienne réside dans la
rentabilité de cette technique:
Dans
une tour de 6 mètres à la base un seul jeu de meules pouvait être
installé et mis en fonctionnement. Le rendement moyen d’un moulin à
vent s’élevait à 400kG de mouture par jour. Dans le même temps, les
plus gros moulins de la région, tel celui d’Agde pouvait, grâce à
l’énergie hydraulique, mettre en mouvement 7 jeux de meules. De plus,
la réputation de la qualité de la mouture obtenue par la technique éolienne
a de toujours été décriée, un handicap d’image.
Il
n’en reste pas moins vrai que les moulins à vent ont broyé les grains
et les olives, mus par les vents de terre ( le terral ) et les vents
marins sept siècles durant. Ils ont permis le développement de communautés
agricoles dans des secteurs où l’énergie hydraulique ne pouvait
assurer la transformation des productions de grains. Ils ont été également
implantés dans des secteurs où le vent permît l’utilisation complémentaire
de cette autre force naturelle alors que les moulins à eau saturaient la
capacité des rivières. Le cas de Magalas illustre bien ce fait. Dans
cette communauté on dénombre la coexistence de trois moulins à huile
dans les murs de la ville, de 8 moulins à blés hydrauliques sur le
Libron et la Lène et de trois moulins à blé éoliens sur les collines.
Sur le territoire de Pouzolles-Margon, la carte Ign permet de localiser 2
moulins à vent.
La
dernière meule mue par le vent a cessé de tourner vers 1903. Aux problèmes
de rendement se sont ajoutés
deux phénomènes pérennes: L’abandon des cultures vivrières au profit
de la viticulture de masse a épuisé les ressources en grains régionales.
Les moulins à eau, plus rentables ont alors mieux résisté à la
concurrence. Pour se faire une idée de la mutation agricole qu’ont dû
subir les meuniers il semble utile de relever des chiffres de statistiques
agricoles du Canton de Roujan. En 1820, le canton possédait 6 295
hectares de terres agricoles. 50% de ces terres étaient cultivées en
grains ( blés, seigle, orge et avoine ) alors que la superficie des
vignes ne représentait que 35 % de l’espace agricole. La culture des
oliviers était localisée et représentait moins de 5%. Cette mutation
agricole n’a pu s’opérer que dans un nouveau contexte où le Bas
-Languedoc a pu s’approvisionner en denrées alimentaires. Le développement
des moyens de transport assurait l’approvisionnement du marché
languedocien en des farines produites à plus faible coût dans le
Sud-Ouest ainsi qu’en huiles venues d’Espagne et d’Italie. Le cumul
des handicaps a fini de perdre la meunerie éolienne déjà réduite à 5
moulins depuis le milieu du XIXème siècle.
Les
derniers moulins à eau survivront jusqu’au milieu du XXème siècle. La
meunerie à vapeur n’a fait qu’une brève apparition entre 1893 et
1920, période durant laquelle quelques 6 moulins de ce type ont été
recensés.
Jérôme
Ivorra